Le 28 mars 2022, les Artistes Méridionaux ont perdu leur 7e Président, Pierre Darques, qui fut à l’origine de la renaissance de leur Société en 1978. En effet, depuis 1965, la SAM s’était mise en veille. Un sort mauvais contrariait ses projets : elle n’avait plus la jouissance des deux étages du Palais des Arts (École des beaux-arts) où se déroulaient ses Salons depuis 1920, locaux désormais affectés à l’enseignement ; puis les remous de mai 68 s’avéraient impropres à la reprise, pour un temps, des expositions ; enfin les disparitions successives du Président Bouillière, de la secrétaire Paule Soulé et du trésorier Jules Routy, qui tenaient la Société dans leurs mains, étaient venues achever sa décomposition d’autant qu’aucune bonne volonté ne se manifestait pour reprendre le flambeau.
En 1978, donc, emmenés par Darques, de jeunes artistes vont trouver une oreille attentive auprès de Maître Sudre, maire-adjoint aux Beaux-Arts de Toulouse, qui décide de leur offrir “une cimaise officielle“. La reprise est décidée. Le 8 mai 1978, la première Assemblée générale se tient à Mon Caf’, place du Capitole, sous la présidence de Maurice Mélat, élu après le décès d’Édouard Bouillière. Pierre Darques est nommé vice-Président aux côtés de Paul Mesplé et Jean Montier. Le renouveau de la SAM emporte avec lui toute une cohorte d’artistes régionaux que le manque de Salons avait dispersés et isolés dans des expositions personnelles (et onéreuses) provoquant l’explosion du nombre de galeries privées.
Les Salons des Méridionaux vont se tenir d’abord à la galerie Alos, route de Revel, puis à nouveau au rez-de-chaussée du Palais des Arts en 1980. Dans le cadre du Salon traditionnel seront présentées aussi des expositions en hommage aux artistes disparus ainsi que les photographes du Cercle des XII et des artistes regroupés sous le vocable Présence de Bordeaux.
Le 30 novembre 1984 se tient une Assemblée générale extraordinaire au cours de laquelle le Président Mélat présente sa démission. Darques est élu Président. Sous sa houlette, des manifestations au Majorat à Villeneuve-Tolosane et à L’Oustal à Cugnaux prendront place, jusqu’à l’exposition en 1988 de Vingt peintres chinois de Chongqing au Palais des Arts, rendue possible grâce aux relations établies autour du jumelage entre Toulouse et cette ville. Des peintres toulousains seront reçus par la suite dans cette ville du Sichuan. Darques assumera la présidence jusqu’en 1988. René Izaure lui succèdera, puis Bernard Ryon, Jean-Louis Rouget et, aujourd’hui, Alain Casado.
Parallèlement à ses activités au sein de notre Société, Darques va mener de front sa vie d’enseignant et de peintre.
Son entrée dans la carrière va se faire d’une manière fortuite, comme le raconte son ami Pierre-Jean Bourlois. Deux rencontres vont déterminer son avenir de peintre : celle en 1946, à l’âge de treize ans, de l’aquarelliste Pierre Laurent de cinq ans son aîné (qui illustrera plus tard des livres consacrés à la préhistoire) ; celle, l’année suivante, d’une famille de peintres hongrois, les Vagh Weinmann, exilés dans le Midi à cause de la guerre, qui vont l’initier à la peinture à l’huile. Ces rencontres, véritables révélations, seront suffisamment influentes pour que son père accepte, en 52, de laisser son fils entrer aux Beaux-Arts de Toulouse. Ses études seront couronnées de nombreux Prix.
Le Certificat d’aptitude à la formation artistique supérieure des Beaux-Arts de Toulouse (CAFAS) et le Diplôme national supérieur de peinture obtenu à l’École normale nationale d’apprentissage de Paris lui ouvrent les portes de l’enseignement. Il sera maître auxiliaire au lycée de Mazamet, stagiaire à l’École normale d’apprentissage de Toulouse, professeur de dessin au C.E.T. de Gelos près de Pau, puis au C.E.T. Gallieni à Toulouse et donnera des cours du soir aux Beaux-Arts en dessin, peinture et modèle vivant de 77 à 93. Il est remarquable qu’un nombre important de ses élèves, qu’il a formés avec patience et compétence, soient toujours présents aux Salons des Méridionaux, certains même faisant partie du Bureau de la Société, déroulant ainsi cette chaîne ininterrompue initiée par leur professeur.
Son engagement professoral ne contrarie en rien ses aspirations de peintre. Dès 1961, il présente sa première exposition personnelle à la galerie Simone Boudet, puis chez Chappe à Toulouse. En 1962, il participe pour la première fois au 53e Salon des Méridionaux. Abondamment primées, ses expositions vont s’enchaîner très régulièrement dans toute la région.
Le travail de Darques appartient à une certaine tradition figurative. Pour lui, sa peinture n’est pas un langage, mais un métier. Un métier qui le protège des effets, des artifices, des modes. Sa peinture est calme, empreinte de sérénité, de sobriété ; elle est sans agressivité, silencieuse, secrète même. La finesse de la pâte, l’effleurement de la brosse donnent à ses toiles une apparence vaporeuse, comme diaphane.
Il maîtrise les blancs cassés, les gris colorés, les variations autour d’une même couleur, les glacis transparents, les réserves – ces zones laissant apparaître le blanc du support –, les touches, innombrables, sur lesquelles joue la lumière.
Mais laissons parler le peintre et profitons de ses rares confidences recueillies par Pierre-Jean Bourlois :
“Avec obstination, je ne cherche pas à me créer une personnalité artificielle, et je refuse toutes les inutiles théories fallacieuses. Je cherche simplement à suggérer la présence de l’invisible… J’accorde une importance aussi grande à la ligne qu’à la forme, à la lumière qu’à la pâte… Je recherche l’harmonie entre tous ces éléments, et j’aime que ma peinture apparaisse au travers d’un subtil voile transparent“.
Pierre Darques était né à Brive-la Gaillarde, en Corrèze, le 31 juillet 1933.
Françoise ALRIC