Cette année, les artistes ont dû se pencher sur le thème de l’équilibre, mais pas trop, justement, pour
ne pas le perdre. L’ont-ils trouvé, l’ont-ils perdu, dans tous les cas ils l’ont cherché. « Je ne cherche
pas, je trouve » ; cette citation célèbre de Picasso semble avoir eu un effet très positif sur les nombreux
exposants. Et sans prétention ils ont assumé.
La recherche restant un acte impalpable, en attente de réalisation, alors qu’elle s’ignore elle-même ;
ils ont agi. Trouver c’est « faire ».
Néanmoins, on peut supposer que lorsqu’on cherche, on est ailleurs, on s’éloigne. C’est ignorer que
la recherche nous rassemble, nous oppose et détermine nos places. Quand on « trouve », c’est qu’on
rencontre, c’est qu’on contacte, c’est qu’il y a de la relation.
« Je ne cherche pas, je trouve », c’est faire avec ce que j’ai trouvé ; cela implique que je ne détermine
pas ce qui arrive, que je ne choisis pas non plus ceux qui arrivent, et que j’accepte aussi ce (ou ceux)
que je n’attendais pas.
Voici l’intérêt de cette exposition où chaque participant en risquant de « perdre l’équilibre » a donné
le meilleur de lui-même en traitant ce sujet. Le résultat est saisissant, par l’éclectisme des styles et la
diversité des expressions, il nous montre le talent de chacun. Le moment est venu, cher public fidèle, de
vous faire partager ce nouveau projet. Comme chaque Salon annuel, c’est un évènement unique par
la qualité de sa sélection et la nouveauté de voir des oeuvres qui n’ont jamais été exposées jusque-là.
Elles ne restent plus qu’à être trouvées.
Alain Casado
Président de la Société de Artistes Méridionaux
Les penchants de la SAM
C’est l’histoire de quelque chose qui tient bien,
qui ne penche pas, sauf du bon côté, ne tombe
pas, ne s’évade pas sans permission, tourne
juste un peu, se montre sans oublier l’axe, ce
truc essentiel où tout est calme, luxe peut-être,
volupté qui sait !
Les forces se compensent, statiques ou dynamiques,
se contrebalancent, s’en contrebalancent.
Elles sont là, se compensent comme
l’oiseau qui plane sans le moindre effort. Elles
ne font pas de dépôt sauvage, elles peuvent se
métamorphoser en créations sauvages.
Bien sûr, il y a la pollution. La nature souillée
crie. Mais la force de résilience de la flore
subsiste. Les arbres communiquent dans le yin
sombre de la terre, dans le bleu catégorique
d’un ciel yang solaire. Ils portent des rhinocéros,
bavardent entre eux en approchant leur
canopée, et pensent même la tête à l’envers.
Les fleurs éclosent, les papillons diaphanes s’y
posent, le pleur de la goutte d’eau miroite dans
la nuit, le jour transmute les vitaux en sacré.
équilibre, juste mesure, bon dosage. Et pourquoi
? Trop de couleurs ? Non.
Les plateaux de la balance égalisent les saturations
du carmin et du cobalt. Roger Rapeau le
lapin pensant hésite devant la luxuriance potagère,
vérité ou phantasme ? Photos, peintures,
collages : les tons ardents défient le froid. Les
terres aux reflets d’ambre et d’acajou narguent
les ciels intenses et les mers abyssales. Flore,
faune et minéral se côtoient dans toutes les colorations
possibles. Si quelques toiles flamboient
dans l’or et le pourpre, beaucoup de bleus
claquent. Et vogue la pirogue sur l’outremer.
De l’ombre à la clarté jaillit une lunaison. Des
avions s’enfuient. Des têtes de cire crêpelées
comme des hortensias s’ouvrent dans la chaleur.
Une encre d’écolier éclabousse un cheval.
Des glaçons transparents ne demandent qu’à
fondre. Dans des camaïeux du cobalt au lapis-
lazuli, des lignes s’agitent, se courbent, se
jettent, racontent on ne sait quoi dans des nuits
qui s’achèvent. La plage fout le camp, la maison
tremble. Le petit joueur titube sur le sable
blond. La mer chante l’immensité tandis qu’en
dessous, les tortues éternelles évoluent en silence.
Trop de formes ? L’art n’est jamais rassasié de
corps. Petit corps dodu de porcelaine, danseurs
enlacés ou solitaires, belle qui paresse dans l’or
estival, corps hésitants devant l’abîme, corps nu
qui s’offre dans sa vérité, corps mâché par les
ans, corps à l’envers, à l’endroit, corps à corps,
femme grenouille dans le mélange des
règnes, enfants qui patinent, trottinent
heureux d’être là. Et voilà le cirque de la
vie : les équilibristes empilent les chaises
sous un chapiteau céleste. Les assiettes
attendent sagement leurs petites fées
chinoises. Qu’importe la misère quand
la funambule glisse dans son rêve vers la
lumière, escortée des oiseaux !
Regardons dans l’espace, les obliques,
les courbes se mouvoir. Les volumes
lourds ou légers, pleins ou creux, se
jouent de la pesanteur et de l’orthodoxie.
Poids et contrepoids se pèsent, se
soupèsent, s’empilent et se mêlent pour
finir en offrande.
Noir blanc, présent absent, plein vide,
organique minéral, vie mort, homme et
reste du monde : comme l’algue sur le rocher
on ne peut pas les dissocier. L’inoffensif
se marie au toxique. L’équilibre
naît grâce aux déséquilibres.
Nobody is perfect sauf le 93e salon des
Méridionaux.
Roseline GOERLINGER
Secrétaire adjointe de la Société des Artistes Méridionaux