Pourquoi faut-il que presque toujours - et toujours trop souvent - en début de notre catalogue, on trouve quelques lignes qui sacrifient au rituel funèbre de l’hommage au confrère disparu ? La route est déjà longue et la liste aussi. Souvenez-vous de ces visages amis et des œuvres alors montrées, discrètes ou tonitruantes, mais toujours vivantes.
Et cette fois-ci, à la lettre “H“ comme Honnête homme, il faudrait écrire ici le nom du peintre Jean Hugon, l’ami, le frère, à la voix chuchotée et chantante, mais aux toiles sonores et franches.
Jean Hugon est mort ? Cela ne peut être qu’une fausse nouvelle.
Il y a chez lui tant d’énergie, de joie, de bonheur à regarder et à dire ! Il y a dans ses toiles cette manière de donner à voir avec une telle générosité, prodigue comme celui qui sait qu’il pourra recommencer demain, que sa besace ne sera jamais vide et sa palette jamais éteinte… Et vous voudriez que je vienne ici vous dire : “Jean Hugon est mort“ ?
Je préfèrerais et je pourrais raconter tant d’histoires sur Jean, du temps où ce Marseillais d’origine était Toulousain avant de devenir Bordelais, du temps où, faisant halte entre deux ports, il n’avait jamais été autant marin. Marin naviguant à vue (et quelle vue !), tenant la barre qu’il avait appris à manier quasiment seul, évitant les naufrages des modes démodées, déjouant les écueils comme en les ignorant, riant de tous les ridicules avec une telle santé que, pour moi, Jean ne peut être que vivant !
Nous sommes quelques-uns, émigrés des années 40, venant de l’Est ou bien du Nord qui, avec Jean et par lui, avons découvert le “Midi“ et le soleil, la couleur et le pastis, les “barques“ petites ou grandes qui vont sur l’eau et qu’il n’appelait jamais “bateaux“.
Il peignait comme on respire, par goulées avides, et sans manières, sans crainte de se laisser aller à la tendresse qu’il disait dans des accords subtils de gris bleutés et cendrés, comme en sourdine.
Il a peint beaucoup, quotidiennement, et cela nous permet d’espérer rencontrer ici ou là, demain et longtemps, des œuvres de Jean Hugon.
Maintenant, je sais bien qu’ici il faudrait le chemin et les expositions, les batailles et les récompenses, les dates et les références – mais on ne fait ça que pour les morts !
Les Artistes Méridionaux sont honorés de sa longue fidélité, heureux qu’à chaque Salon la toile de Jean soit un “moment“ de force, d’équilibre et de bonheur.
À ceux qui voudraient en savoir plus : regardez sa peinture et puis, si vous voulez, à l‘heure du pastis, nous sommes quelques-uns, du Chariot ou d’ailleurs, à pouvoir vous raconter Jean, tant et tant que vous serez triste de ne l’avoir pas rencontré.
Triste comme l’est sûrement de ce voyage inattendu Solange, la compagne des jours difficiles et de ceux qui le furent moins. Tristes comme le sont aujourd’hui ses enfants. Tous ici, nous pensons à eux.
Le 67e Salon des Artistes Méridionaux vous monte quelques toiles pour essayer de gommer un peu de cette tristesse, et vous dit simplement :
Jean Hugon était de notre société,
il est né le 22 juillet 1919,
il est peintre.
Christian SCHMIDT